Fatoumata Lankouandé, la maladie n’arrête pas ses rêves.

On ne choisit pas toujours les moindres détails de notre vie. Il y a ce qu’on désire et ce que la vie nous impose. C’est le cas pour Fatoumata, orpheline de père et de mère, partis trop tôt des suites de la drépanocytose. Cette maladie dont elle a hérité, n’est pas son seul combat. Il faut aussi se battre pour réussir sa vie, rendre sa famille fière et inspirer d’autres femmes.

Fatoumata LANKOUANDÉ, est une jeune ivoirienne de 23 ans. Elle étudie l’Anglais à l’Université d’Abidjan Cocody, et s’est récemment lancée dans la confection d’accessoires en imprimés « wax ». Ce qui est devenu pour elle une vraie passion.

Pourtant il y a quelques années, elle était encore hésitante, timorée, ignorante de son savoir-faire. Ses études sont longtemps restés sa seule occupation tandis que ses sœurs sont douées en bien des domaines. « Mes sœurs tressent depuis toujours, mais c’est en classe de 1ère que je que je réalise que je peux faire des choses. Ma mère m’a proposé de suivre des cours de couture pendant les vacances scolaires. Idée que j’ai longtemps réfuté. » Se rappelle Fatoumata.

Le déclic est venu d’un documentaire relatant l’histoire d’une créatrice de mode. L’idée prend forme et grandit. Après moults hésitations, elle se lance une fois les portes de l’université franchies. Dès les premiers instants de 2019, elle lance officiellement sa marque.

La maladie n’arrête pas ses rêves.

Souffrant de drépanocytose, Fatoumata n’en fait pas un handicap. C’est au contraire sa plus grande motivation, une raison de travailler pour réussir, de réaliser quelque chose dans la vie. Elle brave la douleur et défie le temps. « Je fais très souvent mes crises, mais seulement pendant les moments de grands froids. Et je n’en parle généralement pas à mes sœurs ; je me mets au chaud en portant des vêtements pour la circonstance, je prends mes médicaments, je les laisse agir et puis je me remets au travail ». Nous confie-t-elle sourire aux lèvres.

Aujourd’hui, Fatoumata manie aussi bien la langue de Shakespeare que l’aiguille et la paire de ciseau. Elle est également activiste pour les droits et le leadership de la jeune fille. Elle se considère comme chef d’entreprise et rêve d’ouvrir une chaîne de boutique spécialisée dans la fabrication industrielle de vêtements et accessoires en imprimés africains. Elle ne veut pas se limiter à une production artisanale.

Wax Addict : plus qu’un rêve, une marque

Cette jeune dame a juste des idées plein la tête au départ, ignorant cependant que ses rêves impliquent l’apprentissage de la couture et un savoir-faire artistique. Elle se lance donc dans un apprentissage en solo, de façon autodidacte. Les tutoriels sur YouTube suffisent pour y arriver. « Quand je reçois une commande, qu’importe la complexité, je ne refuse pas. Je regarde une vidéo qui indique comment faire. Je reproduis le modèle en mieux parfois ». Dit-elle avec sérénité. Fatou aime l’inconnu, elle aime surtout les challenges : prendre des commandes d’articles qu’elle ne produit pas encore fait afin de se surpasser chaque fois. « Je réalise tout type de modèles qu’on me soumet… j’y passe souvent toute une nuit, mais je finis par le réaliser à la perfection au grand bonheur de mes clients. »

Mettant en place des techniques pour parfaire ce qui deviendra un métier, Fatoumata crée sa marque : Wax Addict. « J’aime beaucoup le pagne. J’aime le porter. D’où le choix du nom wax addict pour partager mon amour pour ce textile qui rentre dans la majorité de mes créations ».

La peur, vraie booster !

Si elle en est arrivée là aujourd’hui, c’est aussi en partie due à la peur, celle de partir trop tôt comme ses parent, comme beaucoup de personnes atteintes de la drépanocytose. Elle confie : « J’ai eu peur lorsque enfant j’ai su de quoi mes parents sont morts, j’ai eu peur… d’être seule, peur de ne pas vivre assez longtemps, d’être emporté par ce mal sans pouvoir grandir et réaliser mes rêves. En mémoire d’eux, je ne baisse pas les bras, je bosse dur, je bataille pour réaliser mes rêves et faire la fierté de ma famille. »

Sans grands moyens financiers et logistiques, Fatou travaille toute seule. Elle produit et livre sa marchandise elle même. Elle ne compte surtout pas renoncer, abandonner en si bon chemein. En attendant d’ouvrir sa boutique comme elle l’envisage ; c’est entre cours et révisions qu’elle s’adonne à sa passion : pendant ses pauses.  « J’étudie parce que les études m’apportent un plus, même si je suis plus porté sur l’entreprenariat. Je me vois bien gérer simultanément un cabinet d’interprétariat et  traduction, et ma boutique de vêtements prêt-à-porter que je compte ouvrir bientôt. J’y travaille ». Le reste de son temps libre, elle le consacre à ses activités de bénévolat.

Sa vie, un combat

Fatou souhaite travailler avec des femmes drépanocytaires afin de leur permettre de se prendre en charge. En plus de sa plateforme intitulée « Focus sur la drépanocytose » à travers laquelle elle véhicule des informations sur ce mal, elle veut contribuer à réduire la souffrance de ces jeunes femmes atteintes de drépanocytose en leur ouvrant les yeux sur l’opportunité de se prendre en charge, à travers l’entrepreneuriat, l’auto emploi. Fatou donne l’exemple puisqu’en plus de la confection des accessoires en wax, elle fabrique des produits capillaires et des jus de fruits : d’autres cordes à son arc.

Elle interpelle toutes les jeunes filles de son âge en ces termes : « N’attendez pas tout de vos parents, de vos proches ou même de la société… Ne vous appuyez pas sur les biens que possède votre famille, aussi aisée soit-elle. Ayez des idées, transformez-les en projets et lancez-vous. Ne procrastinez pas et ne vous apitoyez pas sur votre sort. Croyez en vous et commencez ! Car vous êtes appelés à être des modèles, vous devez inspirer les autres. Alors, commencez sans trop tarder comme je l’ai fait. »

 

Maunik Assi

 

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