Femme, épouse, maman, apprentie, photographe… Adja Welgo est plusieurs femmes en une.

Quand elle n’est pas en train de travailler, on la trouve au quartier Berlin. Ce n’est pas en Allemagne, c’est plutôt dans la commune de Bingerville en Côte d’Ivoire que réside Adjara Welgo avec sa petite famille. C’est une jeune femme noire, au regard vif et à l’âme généreuse. Elle est photographe et rêve d'aller le plus loin possible dans son métier. D’ailleurs, c’est le fait de la voir au travail, portant son bébé au dos qui fascine.

Clic et déclic

Adja commence la photographie en 2005. À peine scolarisée, elle fait un travail d’aide ménagère, quand elle fait la rencontre de son patron un voisin de quartier de sa tante, qui deviendra son mentor. “Il a dit à ma tante qu’il avait besoin d’une jeune fille pour l’aider au studio photo. Quand on s’est rencontré, il m’a demandé pourquoi je faisais le travail de servante ? Je lui ai répondu que mon niveau de scolarisation (CM1) et les moyens limités de mes parents ne me donnaient pas d’autres options. Ce à quoi il a répliqué que je pourrais essayer. C’est comme ça que je me suis lancée dans la photographie” raconte Adja.

Elle commence dans le studio photo de son nouveau patron à Koumassi. C’est encore l’ère analogique et rien n’est facile. Adja reçoit un cahier de photographie dans lequel elle apprend tout : les lumières, les ombres, le développement… C’est comme ça qu’elle devient un véritable apprenti, une photographe en herbe jusqu’en 2008 où sa condition de femme la rattrape. Il faut fonder une famille. Ses parents la donnent en mariage.

Vie de femme au foyer

Adja arrête la photographie pour des raisons culturelles et coutumières. Elle en informe son patron et se soumet à la volonté de ses parents. Mariée, elle a un enfant qui ne reste pas, puis un deuxième. Elle se consacre à sa famille, s’occupe de son enfant malgré les appels incessants de son patron qui a ouvert un autre studio à Marcory entre-temps. En 2012, elle renoue avec la photographie, mais tout a changé. Les appareils sont numériques et les traitements se font désormais à l’ordinateur au point où il faut tout apprendre à nouveau. Adja se tourne vers ses collègues qu’elle avait formés à la photographie pour apprendre à leur côté. Au fil du temps, elle commence à faire des reportages, des missions de terrain. Mais son patron la préfère au studio parce qu’il la trouve plus accueillante avec la clientèle. Il lui permet de travailler dans le studio de son choix. C’est une aubaine pour elle qui est désormais une femme mariée, appelée à s’occuper de son foyer. Pendant la période du ramadan, la famille passe avant tout et elle s’y consacre entièrement. C’est ainsi qu’elle jongle jusqu’à trouver un bon équilibre : combler volontairement les besoins de son mari, puis travailler à son propre compte.

Vie d’entrepreneure

Les bonnes relations que j’ai développées au studio avec mes collègues et les clients m’ont ouvert les portes. Je ne possédais pas d’appareil photo, mais les clients ont commencé à me solliciter sur leurs événements personnels. Dans ces cas, mes collègues me prêtaient leur appareil. C’est comme ça que j’ai eu mon premier marché avec un client qui était venu faire des photos d’identité”. C’est ainsi que Adja décrit le démarrage de sa carrière solo. Elle s’organise avec ses collègues pour couvrir les événements, faire les reportages, se soutenir les uns sur les événements des autres, se passer les “gombos” (marchés) en cas de calendrier chargé… Adja devient photographe à plein temps avec l’appui de son collègue Isaac qui lui prête un appareil. Elle se débrouille du mieux qu’elle peut avec du matériel bon marché qu’elle qualifie de “débrouillé”. Elle réussit ensuite à s’offrir son premier appareil qu’elle achète en versant des acomptes. Un premier de 250 000 F qui représente le fruit d’un gros labeur. Le bouche à oreille devient sa meilleure publicité au point où elle intervient même à l’intérieur du pays, portant un bébé dans le ventre ou sur le dos. 

Maman photographe

Aujourd’hui, maman de la petite Ciara âgée de 7 mois, Adja avoue avoir travaillé jusqu’à son huitième mois de grossesse. “Pour mon travail, j’ai dû voyager avec ma grossesse. Je suis allée pour un reportage ; une cérémonie de dot. L’un des invités qui me faisait du charme la veille a été fasciné de me voir le lendemain avec un gros ventre vu que je n’avais plus mes vêtements de travail sur moi. Aujourd’hui, il m’arrive d’emmener ma fille au travail quand il n’y a personne pour la garder. Ça m’oblige à la porter au dos malgré toutes les contorsions et positions difficiles que demande mon travail quand j’ai besoin de meilleurs angles de prise de vue. Cela m’a même valu un petit buzz sur Facebook grâce à une publication de l’écrivain Yahn Aka.” C’est ainsi que Adja parle de son travail; avec beaucoup de passion. Il lui est arrivé de rentrer de mission très tard dans la nuit, même pendant sa grossesse. À la question de savoir comment réagit son époux, Adja affirme qu’il est un soutien inconditionnel pour elle et qu’il l’encourage dans son travail.

Aujourd’hui elle poursuit sa carrière et continue d’apprendre pour être toujours au point dans son travail. Elle a su combiner vie de famille et vie professionnelle. Son rêve est de continuer son travail et d’ouvrir un très grand studio photo contenant une boutique avec tous les articles et produits liés à sa passion de photographe qu’elle pourrait partager avec d’autres jeunes femmes.

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6 Comments

  1. Mes yeux sont remplis de larmes en voyant les bravoures de ma grande soeur chérie. La description est parfaite. L’écrivain n’a rien manquer sur ces nombreuses qualités.

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